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Le poisson et la lumière

Dans les eaux tranquilles du port de Mogán, un simple poisson devient éclat en se plaçant là où la lumière le transforme.

C’était dans le port de Mogán, au sud de Grande Canarie. Je me promenais tranquillement, observant les bateaux qui se balançaient doucement sur l’eau, portés par le rythme lent de la marina. Comme souvent, je me suis approché du bord, pas tant pour regarder les bateaux que pour observer ce qui se passe en dessous. J’ai toujours ce réflexe de scruter l’eau, de chercher s’il n’y a pas un crabe, un poisson, une vie cachée juste sous la surface.


Et ce jour-là, il y avait quelque chose. Un banc de poissons, à fleur d’eau, rassemblé dans une zone mi-ensoleillée, mi-ombragée. Ils étaient nombreux, à se bousculer sans que je sache vraiment pourquoi. Est-ce qu’ils jouaient ? Est-ce qu’ils cherchaient à se nourrir ? Peut-être un peu des deux. Ils se frôlaient, tournaient sur eux-mêmes, dessinaient des formes en mouvement constant, comme une matière vivante.


À l’ombre, leurs corps prenaient une teinte sombre, presque fade. Des poissons simples, presque invisibles. Mais dès qu’ils passaient sous la lumière, tout changeait. Le soleil frappait l’eau à un angle précis, et la surface devenait miroir. Certains poissons se couvraient soudain d’une brillance métallique, une teinte argentée, éclatante, presque irréelle.


Et parmi tous, un seul s’est aligné parfaitement avec les reflets du soleil. Juste un. Comme s’il avait compris où se placer pour capter cette lumière unique. Lui brillait. Lui seul semblait hors du temps, hors du groupe, transformé par la lumière pendant un instant suspendu. Autour, les autres continuaient leurs mouvements, ternes, confondus dans l’ombre.


J’ai déclenché à ce moment-là. Parce qu’il ne se passait rien de spectaculaire, rien d’extraordinaire. Juste une apparition fragile. Une composition naturelle, un alignement bref, et cette idée toute simple que parfois, il suffit d’un rayon bien placé pour que le banal devienne précieux. L’image est minimaliste, oui, mais elle raconte ce que la lumière peut révéler. Et dans ce bain argenté, ce jour-là, c’est un poisson anonyme qui a brièvement tout illuminé.

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